Entretien avec le Dr Brami-Delfiner
Pour le docteur Fabrice Brami-Delfiner, chirurgien digestif spécialisé en bariatrique, l’obésité recouvre bien autre chose qu’un simple problème alimentaire. Il déplore que la prise en charge du patient ne s'adresse qu'au poids et à la nutrition.
« Je suis chirurgien mais j’ai aussi une formation en psychothérapie, ce qui m’amène à avoir un regard très différent sur l’obésité et sur le patient en général. Selon moi, la prise en charge peut être bien sûr médicale et chirurgicale mais elle doit être nécessairement holistique car elle implique le patient dans sa globalité. C’est la raison pour laquelle j’ai enrichi le parcours de soin dans mon centre de consultation, en intégrant des disciplines aussi diverses que l’hypnothérapie, la sophrologie… et la psychothérapie bien entendu. En fait, à mes yeux, dans le parcours de soin, c’est le patient qui doit être le maillon fort si l’on veut que cela fonctionne dès le départ. Le patient doit être acteur de sa guérison. Pour cela, la prise en charge doit être la plus complète possible et la plus responsabilisante. Partant de là, il est nécessaire que la relation patient/médecin soit juste, c’est-à-dire concrètement, sortir de la relation enfant/adulte, trop souvent manifestée. Le médecin n’a pas à être un substitut parental car cette hiérarchie dans les rapports ne fait que maintenir un schéma archaïque qui déresponsabilise le patient. Or, si l’on veut qu’il s’en sorte, c’est tout l’inverse qu’il faut faire. Pourquoi ?
Parce que je ne peux considérer l’obésité comme une maladie chronique, ce qui serait trop réducteur à mon sens, mais plutôt comme un symptôme, ce qui permet d'espérer et donc d'envisager une issue, une guérison. Le médecin doit s'impliquer réellement dans ce processus. Chaque patient a des raisons particulières d'être obèse. Ce symptôme a forcément un bénéfice pour le patient au sein de son entourage mais aussi et surtout pour lui même. Or, en se cantonnant à des solutions stéréotypées et à une relation froide et distante, en imposant un régime, on ne fait que le punir. Il revit ce qu'il vit depuis sa petite enfance. Et la reprise de poids constatée après les régimes ne fait que contribuer à le dévaloriser davantage. Il se retrouve dans la posture de l’enfant à qui l'on distribue des mauvais points.
Nous avons beaucoup d’idées préconçues sur l’obésité, mais l’observation de terrain nous apprend que les choses sont plus complexes qu’on ne le pensait. Prenons la question des causes génétiques de l’obésité. On connaît l’affirmation répétée un peu partout : je n’ai aucun parent obèse, j’ai 10 % de risque de le devenir ; 40 % si j’ai un parent obèse et 80% si j’ai mes deux parents ; et pourtant, les chercheurs sont toujours bien en peine de trouver le ou les gènes de l’obésité. L'institut Pasteur de Lille a annoncé qu'il n'y avait pas d'espoir dans cette voie.
Derrière l’argument de l’hérédité qui est si souvent avancé par méconnaissance, je vois l’héritage. Tout ce qui est caché, enfoui, non-dit au sein des familles ; d’expérience, je me suis rendu compte que les vrais problèmes se situent derrière, en profondeur, au-delà des simples questions de régimes ou de poids.
Les maladies sont des messagères destinées à nous faire évoluer. Parce que enfant, ils ont souffert, devenus grands, les problèmes restent entiers et « l'enfant intérieur » se réveille régulièrement afin un jour peut-être, de se faire entendre.
Comment s’aimer et se faire du bien quand on n’a jamais été regardé comme un sujet. C’est l’une des constantes que l’on retrouve chez les personnes obèses. Dans les cohortes de patients obèses depuis l’enfance, on se rend compte que la quasi totalité ont un problème avec la mère, principalement. « Je suis angoissée, j’ai peur donc je mange pour m’apaiser, afin d'éteindre cette angoisse », entend-on souvent dans les témoignages.
Ils sont enfermés dans un système autistique dont ils ne peuvent sortir depuis l'enfance. La personne obèse se regarde mal parce qu’on l’a mal regardé petit. Apprendre ici et maintenant à s'offrir de l'amour et accueillir ses peurs et ses angoisses, c'est la voie. Il faut donc travailler avec les patients sur le long terme afin de mettre en place de nouveaux comportements.
Dans cette affaire de perte de poids, il ne faut pas sous-estimer la résistance du patient, certes, mais aussi celle de sa famille. 80% des patients vivent près de leurs parents, ce n’est pas anodin. Surtout quand on observe que les enfants envoyés en cure maigrissent mais reprennent dès leur retour chez leurs parents, en quelques mois.
En maigrissant, on assiste à une renaissance du corps et il est alors difficile de s'affranchir du regard de l’entourage. Autre point : beaucoup de femmes révèlent qu’elles ont pris du poids dès qu’elles ont vécu en couple et ont eu des enfants. Dans ces cas là, la femme devient obèse dans le contexte du couple. Le but du couple est de se donner de l'amour mais également révéler les blessures que l'on porte en soi afin d’en guérir mais en toute conscience. Une femme qui donc devient obèse à ce moment précis offre à son mari (inconsciemment) la mère qui lui a manquée petit. Mais bien sûr, le bénéfice est réciproque. Il y a donc un travail à faire pour chacun ainsi que pour le couple afin de trouver une relation juste, vraie.
On l’aura compris, la chirurgie de l’obésité n’est pas une solution magique, elle est véritablement efficace que si le patient devient l'acteur de sa prise en charge. La prise de conscience de soi et la compassion envers soi-même sont bien sûr indispensables. Comprendre les répétitions que nous manifestons depuis notre enfance est le premier pas vers la voie de la liberté, celle que l'on s'accorde en devenant enfin adulte. Le patient en devenant présent, doit accueillir l’enfant intérieur avec toutes ses souffrances. Chacun de nous peut se donner aujourd'hui ce qu'il n'a pas eu hier. Nous pouvons tous nous offrir cette considération et cet amour qui nous a tant manqué hier. Il s’agit d’arriver à être un adulte autonome, capable de critiquer, de ne plus subir et de ressentir ce qui est bon pour soi. Si le grenier, la cave (l’inconscient) n’a pas été nettoyée, le(s) problème(s) reviendra(ont) et ce, pour le plus grand bénéfice du patient. Les messages du corps ne sont jamais délétères. Vouloir fuir ses souffrances, c'est passer à côté de sa vie.
Je suis convaincu que nous sommes capables de guérir de tous les symptômes, de toutes les maladies. Notre rôle, à nous médecins est d'accompagner avec compassion, et de stimuler les capacités de guérison, de régénération de chacun. Il faut que nous fassions montre d’humilité car, au final, c’est le patient lui-même qui se guérit. »
Pour le docteur Fabrice Brami-Delfiner, chirurgien digestif spécialisé en bariatrique, l’obésité recouvre bien autre chose qu’un simple problème alimentaire. Il déplore que la prise en charge du patient ne s'adresse qu'au poids et à la nutrition.
« Je suis chirurgien mais j’ai aussi une formation en psychothérapie, ce qui m’amène à avoir un regard très différent sur l’obésité et sur le patient en général. Selon moi, la prise en charge peut être bien sûr médicale et chirurgicale mais elle doit être nécessairement holistique car elle implique le patient dans sa globalité. C’est la raison pour laquelle j’ai enrichi le parcours de soin dans mon centre de consultation, en intégrant des disciplines aussi diverses que l’hypnothérapie, la sophrologie… et la psychothérapie bien entendu. En fait, à mes yeux, dans le parcours de soin, c’est le patient qui doit être le maillon fort si l’on veut que cela fonctionne dès le départ. Le patient doit être acteur de sa guérison. Pour cela, la prise en charge doit être la plus complète possible et la plus responsabilisante. Partant de là, il est nécessaire que la relation patient/médecin soit juste, c’est-à-dire concrètement, sortir de la relation enfant/adulte, trop souvent manifestée. Le médecin n’a pas à être un substitut parental car cette hiérarchie dans les rapports ne fait que maintenir un schéma archaïque qui déresponsabilise le patient. Or, si l’on veut qu’il s’en sorte, c’est tout l’inverse qu’il faut faire. Pourquoi ?
Parce que je ne peux considérer l’obésité comme une maladie chronique, ce qui serait trop réducteur à mon sens, mais plutôt comme un symptôme, ce qui permet d'espérer et donc d'envisager une issue, une guérison. Le médecin doit s'impliquer réellement dans ce processus. Chaque patient a des raisons particulières d'être obèse. Ce symptôme a forcément un bénéfice pour le patient au sein de son entourage mais aussi et surtout pour lui même. Or, en se cantonnant à des solutions stéréotypées et à une relation froide et distante, en imposant un régime, on ne fait que le punir. Il revit ce qu'il vit depuis sa petite enfance. Et la reprise de poids constatée après les régimes ne fait que contribuer à le dévaloriser davantage. Il se retrouve dans la posture de l’enfant à qui l'on distribue des mauvais points.
Nous avons beaucoup d’idées préconçues sur l’obésité, mais l’observation de terrain nous apprend que les choses sont plus complexes qu’on ne le pensait. Prenons la question des causes génétiques de l’obésité. On connaît l’affirmation répétée un peu partout : je n’ai aucun parent obèse, j’ai 10 % de risque de le devenir ; 40 % si j’ai un parent obèse et 80% si j’ai mes deux parents ; et pourtant, les chercheurs sont toujours bien en peine de trouver le ou les gènes de l’obésité. L'institut Pasteur de Lille a annoncé qu'il n'y avait pas d'espoir dans cette voie.
Derrière l’argument de l’hérédité qui est si souvent avancé par méconnaissance, je vois l’héritage. Tout ce qui est caché, enfoui, non-dit au sein des familles ; d’expérience, je me suis rendu compte que les vrais problèmes se situent derrière, en profondeur, au-delà des simples questions de régimes ou de poids.
Les maladies sont des messagères destinées à nous faire évoluer. Parce que enfant, ils ont souffert, devenus grands, les problèmes restent entiers et « l'enfant intérieur » se réveille régulièrement afin un jour peut-être, de se faire entendre.
Comment s’aimer et se faire du bien quand on n’a jamais été regardé comme un sujet. C’est l’une des constantes que l’on retrouve chez les personnes obèses. Dans les cohortes de patients obèses depuis l’enfance, on se rend compte que la quasi totalité ont un problème avec la mère, principalement. « Je suis angoissée, j’ai peur donc je mange pour m’apaiser, afin d'éteindre cette angoisse », entend-on souvent dans les témoignages.
Ils sont enfermés dans un système autistique dont ils ne peuvent sortir depuis l'enfance. La personne obèse se regarde mal parce qu’on l’a mal regardé petit. Apprendre ici et maintenant à s'offrir de l'amour et accueillir ses peurs et ses angoisses, c'est la voie. Il faut donc travailler avec les patients sur le long terme afin de mettre en place de nouveaux comportements.
Dans cette affaire de perte de poids, il ne faut pas sous-estimer la résistance du patient, certes, mais aussi celle de sa famille. 80% des patients vivent près de leurs parents, ce n’est pas anodin. Surtout quand on observe que les enfants envoyés en cure maigrissent mais reprennent dès leur retour chez leurs parents, en quelques mois.
En maigrissant, on assiste à une renaissance du corps et il est alors difficile de s'affranchir du regard de l’entourage. Autre point : beaucoup de femmes révèlent qu’elles ont pris du poids dès qu’elles ont vécu en couple et ont eu des enfants. Dans ces cas là, la femme devient obèse dans le contexte du couple. Le but du couple est de se donner de l'amour mais également révéler les blessures que l'on porte en soi afin d’en guérir mais en toute conscience. Une femme qui donc devient obèse à ce moment précis offre à son mari (inconsciemment) la mère qui lui a manquée petit. Mais bien sûr, le bénéfice est réciproque. Il y a donc un travail à faire pour chacun ainsi que pour le couple afin de trouver une relation juste, vraie.
On l’aura compris, la chirurgie de l’obésité n’est pas une solution magique, elle est véritablement efficace que si le patient devient l'acteur de sa prise en charge. La prise de conscience de soi et la compassion envers soi-même sont bien sûr indispensables. Comprendre les répétitions que nous manifestons depuis notre enfance est le premier pas vers la voie de la liberté, celle que l'on s'accorde en devenant enfin adulte. Le patient en devenant présent, doit accueillir l’enfant intérieur avec toutes ses souffrances. Chacun de nous peut se donner aujourd'hui ce qu'il n'a pas eu hier. Nous pouvons tous nous offrir cette considération et cet amour qui nous a tant manqué hier. Il s’agit d’arriver à être un adulte autonome, capable de critiquer, de ne plus subir et de ressentir ce qui est bon pour soi. Si le grenier, la cave (l’inconscient) n’a pas été nettoyée, le(s) problème(s) reviendra(ont) et ce, pour le plus grand bénéfice du patient. Les messages du corps ne sont jamais délétères. Vouloir fuir ses souffrances, c'est passer à côté de sa vie.
Je suis convaincu que nous sommes capables de guérir de tous les symptômes, de toutes les maladies. Notre rôle, à nous médecins est d'accompagner avec compassion, et de stimuler les capacités de guérison, de régénération de chacun. Il faut que nous fassions montre d’humilité car, au final, c’est le patient lui-même qui se guérit. »