728 x 90

Rougui DIA

img

S.M.: Quelles sont vos qualités et vos défauts au travail?
R.D.: Ma qualité serait peut-être la patience. Sinon, j’ai beaucoup de défauts. Je pense être assez exigeante de nature envers moi-même et les autres.

S.M.: Votre cuisine est orientée vers les poissons et crustacés mais aussi le caviar...
R.D.: Le restaurant Petrossian est quand même la maison du caviar. J’ai donc souhaité mettre en valeur ce très beau produit. D’autant que j’ai appris à le connaître. La première fois, on m’a fait déguster du Caviar pressé, l’ancêtre du Caviar, de différentes façons: nature, avec différentes cuillères (argent, nacre) ou encore une pomme de terre. J’ai compris que le goût changeait du tout au tout selon l’ustensile ou le produit utilisé pour l’accompagner. Au restaurant Petrossian, des personnes sont à la disposition des clients pour expliquer son origine et sa production. A partir de cette découverte, je m’y suis intéressée de plus près. Je le marie avec toutes sortes de poissonset même de la viande (steak tartare). Et je le mélange avec des épices douces, légères et subtiles.

S.M.: Quels changements avez-vous apporté à la carte et l’ambiance du restaurant, notamment en métissant les produits de Petrossian avec vos goûts et votre culture?
R.D.: Actuellement, on travaille sur le mil, avec des produits qui viennent du Sénégal avec lesquels nous faisons des essais. Il nous arrive très souvent d’avoir un produit d’Afrique sur une table du restaurant Petrossian. Il y a eu l’hibiscus que l’on travaillait avec du chocolat blanc, la banane Plantin ou encore la patate douce. Et je pense que nous aurons encore beaucoup d’autres produits et épices de tous les pays.

S.M.: Quelles sont les impressions des clients?
R.D.: Beaucoup me disent qu’ils m’ont vue dans des magazines ou à la télévision et qu’ils étaient assez curieux de venir voir ma cuisine et le personnage. A partir de ce moment-là, j’espère entendre : «nous ne sommes pas déçus». Si c’est le cas, ça me fait plaisir. Souvent, je leur demande de me faire des suggestions par rapport à ma cuisine.

S.M.: Pouvez-vous nous confier quelques-uns de vos secrets?
R.D.: Quand on est autour d’un plat à table, je pense qu’il faut se servir d’un peu de chaque produit. Parce que le client a souvent tendance à prendre le poisson, la sauce et le caviar à part. Moi, je propose de mélanger l’ensemble dans l’assiette afin de le déguster par petites bouchées.

S.M.: Est-il difficile de concilier vie privée et vie professionnelle quand on est autant occupée?
R.D.: Oui. On m’a souvent demandé si je voulais des enfants. A l’heure actuelle, je pense qu’il serait égoïste de ma part d’en avoir un et d’être autant à l’extérieur pour mon travail. Ce côté-là est vraiment dérangeant. Dans la restauration, on reste quand même des travailleurs de nuit. On quitte très tard en étant toujours décalé. Du coup, on apprécie peut-être deux fois plus encore quand on a un moment de liberté !

S.M.: Quels sont vos autres centres d’intérêt ?
R.D.: J’aime beaucoup la lecture, le sport, en particulier la danse africaine pour me divertir et me relâcher un maximum, et les voyages à l’étranger.

S.M.: Quel est l’avenir de la gastronomie en France?
R.D.: Je pense qu’il y a vraiment un nouvel éclairage sur la restauration. Auparavant, on parlait souvent des apprentis comme des cancres qui avaient échoué à l’école. Il ne restait donc forcément que la solution de les placer dans les métiers de la bouche, plomberie et autres. Mais aujourd’hui, on a de grands Chefs en France qui sont un exemple de réussite. Du coup, je m’efforce de soutenir encore plus les jeunes dans ce sens !

S.M.: Que pensez-vous de la réussite de votre intégration en tant que femme noire au sein de la cuisine française?
R.D.: Comme ce sujet a été pointé du doigt, je le ressens très fortement aujourd’hui. Alors que je n’y faisais pas du tout attention auparavant. Hommes, femmes, jaunes, noirs… cela m’est égal. Mais si cela peut donner le courage aux jeunes de continuer, je me dis: « tant mieux !». Au restaurant Petrossian, nous prenons beaucoup de jeunes pour leur montrer que la restauration est un beau et généreux métier.