À 29 ans, Rougui Dia est Chef de cuisine au restaurant Petrossian Le ‘144’ à Paris. À force de détermination dans son métier, elle a réussi à imposer une cuisine naturelle. Avec des cuissons légères, des sauces épurées, des épices subtiles…, elle créé et retravaille de façon différente les produits «maison» (caviar, saumon, etc). Rencontre avec une femme qui a osé un mariage entre l’art culinaire et la culture Petrossian pour une nouvelle carte à l’image de son bel exemple d’intégration.
Savoir Maigrir : Comment êtes-vous venue à la gastronomie?
Rougui Dia : J’ai fait mes études dans la restauration dans un centre rémunéré par l’Etat et l’école hôtelière de Villepinte dans la banlieue parisienne. J’ai toujours aimé le côté hiérarchique de ce métier. Moi qui étais déjà attirée par l’armée, j’ai retrouvé un peu cette discipline en cuisine. J’appréciais aussi beaucoup le côté artistique de la restauration. Il faut dire qu’à l’époque, j’hésitais à me lancer dans la couture. Au final, je retrouve ces deux métiers en un seul. Et quelle satisfaction!
S.M.: Vous qui rêviez d’être couturière dans la mode, n’avez-vous pas quelques regrets?
R.D.: Non. Je pense que j’y reviendrai dans mes moments de loisirs. Et puis la restauration revêt un côté artistique tant au niveau des couleurs que de la mise en valeur des plats visuellement. Je n’ai donc aucun regret.
S.M.: Jusqu’à 16 ans, vous détestiez la cuisine. Apparemment, vous devez tout votre savoir-faire à votre mère qui était un fin cordon bleu… Que vous a-t-elle donné comme trucs et astuces?
R.D.: Comme première base, elle m’a transmis le respect de chaque produit. Il s’agit de faire attention aux périodes auxquelles les acheter et de bien prendre en compte leur nature (acide, sucrée ou salée).
S.M.: Que retenez-vous de votre parcours à l’école hôtelière de Villepinte dans la banlieue parisienne?
R.D.: Il m’a été très bénéfique pour ma carrière professionnelle. Car je suis arrivée à une époque où l’ambiance était assez stricte. Le tailleur était de rigueur pour les filles et le costume pour les garçons. On a profité de bonnes conditions d’encadrement avec des formateurs passionnés et du beau matériel mis à notre disposition. Tout cela s’inscrivait dans une continuité avec les personnes pleines de générosité que j’avais rencontrées auparavant.
S.M.: Parlez-nous des personnes qui vous ont accompagnée?
R.D.: Il y a, entre autres, mon cousin qui m’a faite rentrer dans la restauration. Je me souviens qu’il m’a demandé à trois reprises si je voulais vraiment faire ce métier souvent qualifié d’ingrat. Je lui ai répondu «oui» à chaque fois. Je pense aussi à des personnes (le conseiller de la mairie de Neuilly Plaisance et deux formateurs du centre rémunéré par l’Etat) qui m’ont permis de passer mes premiers examens, malgré mes difficultés à trouver des maîtres d’apprentissage. Beaucoup m’ont tendu la main, même si leurs démarches n’aboutissaient pas. Et je reviens à ma famille qui a été d’un soutien très important à ce moment-là.
S.M.: Quels atouts avez-vous réussi à développer au gré de vos expériences en tant que second de plusieurs Chefs de restaurants?
R.D.: Je pense que je me suis beaucoup calmée. Il est vrai qu’auparavant j’étais impulsive. Je démarrais tout de suite au quart de tour. Depuis, je me suis assagie. Comme je le dis souvent à mon équipe en cuisine, je pense avoir pris «un coup de vieux». Mon expérience m’a permis de prendre du recul dans mon travail.
S.M.: En quoi votre jeunesse et votre regard féminin jouent-ils un grand rôle à votre poste?
R.D.: Certaines personnes me disent que la cuisine d’une femme est différente de celle d’un homme. Pour elles, tout est plus raffiné et subtil avec une touche d’épices. D’autres disent que les femmes arrivent à avoir le même «tour de main» que les hommes. Je pense que nous avons tous été attirés par le métier de la restauration. Pour cela, nous avons suivi les mêmes études. Je ne vois donc pas de différence.
S.M.: Quelles sont les caractéristiques de votre touche personnelle en cuisine?
R.D.: Aujourd’hui, ce sont les épices qui permettent d’abattre les frontières que l’être humain a construit en voyageant par rapport aux plats et produits oubliés. Je passe mon temps à travailler sur ce projet avec la volonté de rendre le monde des épices accessible à tous.