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Smaïn : “Le rire est un don du ciel extraordinaire”

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S.M. : Qu’est-ce qui vous a donné envie de continuer seul l’aventure en 1986 avec votre premier one-man-show « A star is beur » ?
S. : La rage, la hargne et ce goût de la survie lié à mon enfance et qui nous anime tous, quel que soit notre métier. Il fallait que j’existe. Certes, j’ai été le premier à parler des « beurs ». Mais tout est à remettre dans un contexte politique.
 
S.M. : Pourquoi avoir mis en avant un humour d’un genre nouveau, jonglant avec les cultures et les a priori ? 
S. : Parce que nous étions à une période propice. J’ai été fier d’exploiter le terme de « beur » il y a une vingtaine d’années. À l’époque, il fallait nous donner un nom. Aujourd’hui, je trouve qu’il devient un peu insipide et moins justifié. Désormais, les jeunes disent qu’ils ne sont pas des beurs mais des Français. Et ils ont totalement raison ! À présent, le beur a « fondu » dans la société française. On ne peut pourtant pas bannir ce terme parce qu’il a été le symbole d’une identité, même si à présent, elle n’a plus lieu d’être.

S.M. : Vous êtes même à l’origine d’un symbole social : l’insertion du « beur » tout en préservant et en respectant ses origines.
S. : Oui, il s’agit de l’insertion de tous ceux qui se prétendent d’abord Français. Moi-même, malgré mes origines, je me suis senti Français. Parce que la France a été une terre d’accueil pour moi. A l’époque, on entendait pas mal de choses affligeantes sur le compte des « beurs », du style « les étrangers, dehors ! ». Du coup, j’ai décidé d’en jouer. J’ai donné la parole à l’humour. Pour moi, cela a été le moyen de dénoncer ces dérives et d’affirmer mon identité et ma différence !
 
S.M. : Vous êtes aussi le premier à avoir ouvert la voie aux humoristes d’origine maghrébine. En avez-vous conscience ?
S. : Je l’oublie… Parce que je n’ai pas envie d’être un vieux schnock et de passer des heures à parler de souvenirs. Je n’ai plus le temps d’y penser. Je suis passé à autre chose.
 
S.M. : À ce jour, vous comptez une vingtaine de films à votre actif dont « L’œil au beur(re) noir » qui a obtenu le césar du meilleur premier film en 1988. Quelles raisons vous ont poussé à explorer la voie du septième art ?
S. : Je suis un homme de scène. Le cinéma m’a fait du pied. Et j’y ai répondu avec plus ou moins de réussite. Ca fait partie du jeu ! J’ai voulu faire du cinéma parce que c’est un art majeur. Il est vrai que sur la vingtaine de films que j’ai faits, il n’en restera peut-être que deux ou trois dans la mémoire collective. Mais je n’ai aucun regret.
 
S.M. : Vous enchaînez les spectacles et les tournées. En 1991, c’est la consécration à l’Olympia. En 1992, vous êtes à l’affiche du Théâtre de Paris avec « Comme ça se prononce »  pour lequel vous obtiendrez le Molière du meilleur one-man-show, une Victoire de la Musique, ainsi que le Grand Prix de l’Humour de la Sacem. En 1994, c’est avec la pièce « Les Fourberies de Scapin » que vous triomphez de nouveau… Qu’est-ce qui vous motive à retourner sur scène à chaque fois ?
S. : C’est le challenge ! Je pense qu’il y a une certaine ambiguïté. Je suis animé par cette envie de renaître chaque soir. Après, c’est un moyen de gagner sa vie. C’est aussi comme un combat contre soi-même. Et il y a également le fait d’entendre le public rire, qui est une nourriture primordiale dans ma vie. Cela signifie qu’on est un être original et exceptionnel.
 
S.M. : Après « Sur la vie de ma mère », vous écrivez votre deuxième livre « Ecris-moi », un recueil de lettres adressées à votre famille et à la classe politique. Que vous a apporté l’écriture ?
S. : J’avais peut-être envie de laisser un témoignage. On me l’a proposé, je l’ai fait. J’ai voulu raconter ma vie et mon enfance qui sont un peu exceptionnelles. Avec franchise, je pense que c’était un peu trop tôt. J’aurais peut-être dû attendre… Mais c’était avant tout une opportunité à saisir.