S.M. : Vous dites que l’un de vos plus beaux rôles est celui de Bianca dans La Viacca de Mauro Bolognini (1962) au côté de Jean-Paul Belmondo. Pourquoi ?
C.C. : Parce que c’était un rôle extraordinaire, d’une grande beauté. Il s’agit de la reconstruction d’une maison close de 1880, tournée à Florence. A ce moment-là, j’ai fait la rencontre de Jean-Paul Belmondo, quelqu’un de très amusant, qui a été une révélation pour moi. On avait des moments très complices sur scène. Par la suite, on s’est retrouvé sur Cartouche. Dans ce film, j’avais vraiment un rôle incroyable. Car j’ai interprété la princesse mais la prostituée aussi. (Rires). Le fait de passer d’un personnage ou d’un monde à l’autre ne me dérange justement pas. Bien au contraire. J’aime les métamorphoses, qui m’enrichissent et me permettent de vivre d’autres vies. A chaque fois, je deviens un personnage devant la caméra.
S.M. : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos " professeurs ", vos maîtres en la matière ?
C.C. : J’ai commencé le cinéma toute jeune, en 1959, avec Rocco et ses frères, film de Luchino Visconti où j’avais un tout petit rôle. Puis, j’ai fait Le guépard. J’en ai tourné ainsi plusieurs avec Luchino Visconti qui a vraiment été un maître pour moi. J’ai aussi joué pour Federico Fellini qui est le génie du cinéma. J’ai fait plusieurs films sous la direction de Marcello Mastroianni. Les grands metteurs en scène que j’ai connus m’ont ainsi tout appris. J’ai vraiment eu le privilège de tourner avec des personnes qui m’ont fait entrer dans l’histoire du cinéma. C’est pourquoi mon parcours est assez extraordinaire.
S.M. : Vous avez traversé plus de 40 ans de cinéma. N'a-t-il pas été difficile à vos débuts de vous imposer en tant que femme dans ce métier ?
C.C. : Non, pas du tout. J’ai la vitalité, même encore maintenant, d’une fille de 20 ans. Je ne me fatigue pas facilement. J’aime les batailles et les défis. Je ne suis pas faible. Pour faire ce métier, il faut justement être très fort à l’intérieur.
S.M. : Que dire du " duel Bardot-Cardinale " qui s’est transformé en complicité ?
C.C. : Pour le tournage des Pétroleuses, film que nous avons joué ensemble en Espagne, les paparazzi étaient tous là. C’était hallucinant. Ils s’attendaient tous à une guerre entre celles qu’ils surnommaient " BB et CC ". Finalement, la guerre n’a pas eu lieu. On a beaucoup rigolé. Je garde de beaux souvenirs de ce rapprochement. Car lorsque j’étais à Tunis, j’aimais beaucoup Brigitte. Je me coiffais et m’habillais comme elle. (Rires). C’était un peu un modèle. Et tourner avec elle était tellement extraordinaire.
S.M. : Dans votre métier, quels étaient vos rapports avec les autres comédiennes en général ?
C.C. : J’ai toujours eu de très bons rapports. Parce que pour moi, une bonne entente est essentielle entre les personnes. Je déteste la rivalité. D’ailleurs, je ne l’ai jamais ressentie. Il est très important d’avoir ce genre de rapport sur un plateau.
S.M. : Vous évoquez les dangers de la célébrité. Quelles sont justement les joies et difficultés du métier d’actrice ?
C.C. : Tout peut vous monter à la tête. Et vous pouvez ainsi perdre votre identité. Car vous arrivez à Cannes, vous montez les marches du festival, vous pensez que vous êtes une déesse… Mais le problème c’est que vous pouvez très bien vous casser la figure et tomber. Le cinéma est comme un défi, un perpétuel challenge. Mais j’ai toujours été une battante.