Une très mauvaise qualité de vie
Dans ces conditions, la consultation va dépendre de nombreux facteurs, notamment du niveau d’inquiétude des patients. Il est vrai qu’une personne qui a mal au ventre pendant des mois et des années tout en subissant une évolution par crise, va commencer à être suffisamment gênée et inquiétée et finir par venir consulter. Sachant que, comme le prouve un certain nombre d’études menées à ce sujet auprès de ces groupes de population, le syndrome de l’intestin irritable est associé à une très mauvaise qualité de vie. " Dans notre étude épidémiologique, la Sofres avait relevé un indice de qualité de vie à peu près équivalent au moment des crises à celui des personnes touchées par la grippe, fait remarquer notre gastro-entérologue. Ce facteur constitue donc un des motifs de consultation important. Car certains patients atteints par le syndrome de l’intestin irritable peuvent rester cloîtrer chez eux en mangeant des pâtes ou une tranche de jambon tous les jours. Ils subissent des perturbations importantes de leur vie sexuelle, sociale et professionnelle. Dans ce type de populations, on observe beaucoup d’arrêts de travail. Ce qui prouve que ce syndrome constitue quand même un handicap grave pour la vie quotidienne ».
Un diagnostic d’élimination
Bien souvent, les individus se rendent chez leur médecin généraliste parce qu’ils sont en proie à des troubles du transit (constipation, diarrhée…). Une fois sur place, le spécialiste établit un diagnostic d’élimination qui consiste, comme son nom l’indique, à éliminer les pathologies organiques habituelles. Par exemple, une inflammation du côlon. Le médecin se livre alors à des examens biologiques. Bien souvent, on est amené à faire une coloscopie. " On ne peut pas faire systématiquement ces examens à tout le monde, rappelle le Professeur Michel Dapoigny. Notamment s’il s’agit d’une jeune femme de 20 ou 30 ans, par exemple, qui vient consulter seulement parce qu’elle a mal au ventre ou qu’elle est un peu constipée. Dans ce cas, le spécialiste va essayer de se baser sur la présence de signes dits d’alarme. S’il s’agit de quelqu’un qui a une modification récente de ses symptômes ou du sang dans les selles, ou qui a perdu du poids, ou qui est fatigué, ou qui n’a plus d’appétit, ou bien qui a un syndrome inflammatoire ou une anémie aux examens biologiques standards, il faut lui faire subir une série d’examens complémentaires pour s’assurer qu’il n’y pas de pathologie organique comme une maladie inflammatoire du côlon ou un cancer qui peut expliquer les symptômes ou leur modification récente ".
L’évolution chronique du syndrome
Faut-il pour autant en déduire qu’une mauvaise alimentation ou des régimes à répétition sont des facteurs qui ont une part de responsabilité dans l’aggravation de ce syndrome ? " Cela est un vrai problème parce qu’on ne dispose pas de certitude définitive à ce sujet, souligne notre spécialiste. Il est vrai que beaucoup de patientes incriminent souvent un régime ou plutôt une alimentation riche en fibres, en sauce ou encore en corps gras. Elles disent alors que de tels facteurs sont à l’origine du déclenchement des douleurs ou des ballonnements associés ou bien les majorent. Résultat ? S’ils ne savent pas quoi faire, le malade va commencer à entrer dans un régime extrêmement déséquilibré et qui, à mon sens, n’est pas souhaitable. Après, c’est un problème de tolérance individuelle ".
Dans ces circonstances, l’affection évolue habituellement par période de crises. La nature de ces troubles est donc très chronique. " Cela peut durer toute la vie mais cela peut également s’estomper complètement, voire disparaître, rassure notre intervenant. Cependant, cela peut aussi se transformer en syndrome dyseptique. C’est-à-dire que les gens ne souffrent plus de leur côlon mais de l’estomac. Reste que tout cela est très variable. En sachant que dans la plupart des cas, le syndrome s’étale sur plusieurs années sans qu’on puisse agir énormément sur le plan thérapeutique. Il s’agit bien souvent de malades difficiles qui répondent peu ou de façon temporaire aux solutions médicales que l’on possède et qui continuent à souffrir et à avoir des troubles ".