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À la recherche de l'orgasme perdu

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S.M. : Comment imaginez-vous la sexualité dans dix ans ?
Dr G.L. :
Il y a une crainte que la sexualité se technicise. En Occident, il manque une formation du sacré à l’amour, du raffinement, de l’érotisme. Lorsque l’amour a été libéré, que s’est-il passé ? Au lieu de multiplier les caresses avec les mains, la bouche, il y a eu une escalade du Hard. Autrement dit, nous avons usé des caresses sans raffinement, rapidement, en visant la quantité du plaisir et la performance au lieu de viser la qualité. Et la femme a été chosifiée. A l’avenir, pour que la sexualité évolue positivement, il faut donner un sens à l’acte amoureux. Le but n’est pas de procurer de meilleurs orgasmes plus facilement aux femmes mais de faire en sorte que ces orgasmes aient un sens. Le bonheur des femmes viendra de ce sens. Il est souhaitable que l’amour ne soit pas mécanisé, que le couple soit artisan du sexe et aime l’amour cousu main, doté de caresses, et que le jouet érotique reste un plus.
 
S.M. : Vous expliquez qu’on peut rencontrer un homme sexuellement doué. Je vous le demande : qu’est-ce qu’un homme sexuellement doué ? Et une femme sexuellement douée ?
Dr G.L. : Comme dans tous les arts, il y a des personnes spontanément douées et d’autres qui ne le sont pas, mais qui peuvent apprendre. L’homme sexuellement doué est celui qui cerne la femme, qui sait la caresser aux bons endroits au bon moment sans réfléchir aux gestes à réaliser. Il perçoit les modifications de sa voix, ses soupirs, ses frissons, ses moindres perceptions. Il a les sens en éveil. Les femmes douées sont celles qui savent comment bouger le bassin et leur corps sans avoir jamais rien vu ni appris. C’est ainsi, c’est animal.

S.M. : Est-ce que le fait que les femmes n’aient pas d’orgasme signifie aussi qu’elles ne veulent pas lâcher prise, lâcher les commandes ?
Dr G.L. :
Sûrement, car même si la notion de la peur du pêché ou de l’enfer a disparu, il y a encore la peur du phénomène orgasmique. L’orgasme fait perdre la notion du temps, de l’espace, de l’ego. Beaucoup de femmes hésitent à se laisser emporter, à perdre la tête ou à se montrer à l’homme sous un jour différent. Il y a une grande difficulté à perdre cette notion de soi-même. Si l’éducation peut entraver l’orgasme, la peur psychique de lâcher prise pour l’inconnu aussi.
 
S.M. : Vous dites qu’il n’y a pas un point G, mais plusieurs. C’est nouveau ?
Dr G.L. :
C’est en effet un des aspects novateurs. En dehors du point G, il existe trois autres zones érogènes : le point A, comme Antérieur, placé au dessus du point G, le point C, un point profond du col utérin et des culs-de-sac vaginaux, et le point P - comme Postérieur - qui doit sa sensibilité à la gaine vaginale et à la proximité du rectum. Ces zones existent même s’il est difficile de les aborder sélectivement avec un sex-toys ou le pénis mais plutôt avec le doigt. Elles sont éminemment érogènes et entraînent des orgasmes viscéraux et une émotion intense.
 
S.M. : Vous évoquez quatre « points G » alors que certains continuent encore d’affirmer que le point G n’existe pas…
Dr G.L. :
Ca n’est pas croyable ! Le point G a été découvert au 2ème siècle av J.C. par Galien, médecin grec. Ceux qui disent cela ne l’ont pas trouvé. Mais il ne s’agit pas de poser l’obligation pour les femmes de jouir du point G. Car elles sont dotées d’autres zones érogènes, comme le mamelon ou le clitoris. Et si le point G n’est pas sensible, il peut le devenir. Il ne faut pas désespérer !
 
S.M. : Il faudra attendre combien d’années avant que la majorité des femmes aient enfin des orgasmes ?
Dr G.L. :
En mai dernier, le CNRS a fait paraître une enquête sur la sexualité des femmes qui montre sa progression faramineuse, notamment par rapport à la pratique du cunnilingus qui passe de 15 % à 45 % environ. Depuis dix ans, nous nous dirigeons vers un mieux sur le plan érotique. Dans cinquante ans, toutes les femmes seront pleinement heureuses dans leur corps.
 
S.M. : Pourquoi l’orgasme est-il si important pour les femmes ?
Dr G.L. :
Si je souhaite que les femmes aient des orgasmes plus facilement, ce n’est pas seulement pour ce pic de plaisir. L’orgasme entraîne une super grande détente, c’est aussi un anti-stress, un anti-anxiété, un anti-dépresseur, un multiplicateur d’énergie. C’est le traitement à beaucoup de maux.
 
S.M. : Finalement, quel est LE conseil à donner à celles qui ne l’atteignent pas ?
Dr G.L. :
Je crois qu’il faut que les femmes prennent en charge leur sexualité et qu’elles apprennent à connaître leur propre corps, à découvrir leur point G et comment il fonctionne. Pour ensuite pouvoir l’apprendre à leur partenaire.
 
S.M. : Tout en ménageant la susceptibilité du partenaire qui n’est peut-être pas toujours prêt à recevoir cet apprentissage…
Dr G.L. 
: Oui, mais l’homme n’aura pas le choix. Soit il reste celui qui sait tout mais qui en réalité ne sait rien, soit il sera mis au second plan, dépassé par les jouets érotiques. L’homme doit accepter de ne plus être le maître mais le compagnon et oser perdre cet orgueil, cette supériorité. Rappelons qu’en Chine, pendant six mille ans avant J.C., tous les Empereurs avaient des préceptrices du sexe ! Que la femme devienne à nouveau l’initiatrice et que l’homme l’accepte.