Pourquoi ne pas voir ces réalités en face et en tirer la leçon ? Vieillir, c’est l’art d’aimer la vie sans faire de caprices. Il n’y a pas de "question sexuelle" qui soit détachable de tout un contexte de vie quotidienne : la sensualité doit s’exprimer à tout moment, à table comme au lit, en forêt comme au théâtre... De toute façon il n’y aura jamais de réparation des dégâts, même si la médecine le promet, l’enlaidissement des corps est inguérissable, l’affaiblissement des facultés intellectuelles est définitif, alors à quoi bon tant de remords ? Le passé est introuvable. L’avenir de la sexualité après la quarantaine change d’organe cible, de chef d’orchestre : ce n’est plus le sexe qui commande, c’est le cœur. Dans ce domaine comme dans de si nombreux autres exemples, on a l’impression que la boucle de la vie se referme, que l’on retourne à ses débuts, notamment ici à la primauté des sentiments sur le plaisir génital : même tendresse inflammable de l’adolescence et de l’âge mûr ! L’espérance de vie permet aujourd’hui à de nombreuses personnes de "refaire leur vie", mais l’expression est à double tranchant. Il ne s’agit pas de "refaire" mais de continuer à développer son sens du bonheur, de refuser les lois de la routine d’autrefois. Au fond, la différence avec les tranches de vie précédentes, c’est que désormais il n’y a plus de demi-mesure, c’est la loi du tout ou rien qui gère le désir de relance intimiste au sein d’un couple établi, ou de revanche après une rupture ou un deuil…
Les chances de réussite sont inégales cependant, non seulement à cause du plus grand risque de déficience physique, mais aussi parce que les problèmes matériels vont prendre une importance qu’ils n’avaient pas à l’âge de 20 ou 30 ans. La sécurité affective va dépendre de facteurs tels que les conditions de vie matérielle, de la réussite scolaire des enfants, de l’entourage familial… À l’évidence, l’expression populaire "d’âge critique" continue à posséder tout son sens, mais ce que j’observe c’est qu’aujourd’hui l’intimidation vient autant de l’état de santé que du cadre de vie. Pour résister, il faut donc se protéger, s’isoler, préconiser un retour à l’égoïsme à deux. Restaurer du temps libre consacré à des activités qui distraient le couple de ses obligations de tous ordres. Sur le plan intime, se placer à l’écoute de l’autre afin de créer un climat de curiosité et de séduction réciproques…
Un projet utopique ? Pas vraiment, il suffit de faire preuve d’esprit inventif, de savoir profiter des expériences acquises, conscient plus que jamais du fait que l’on est bel et bien l’artisan de son malheur, et de ses passions.