728 x 90

Vieillir ensemble sans cesser d'aimer

img

Il y a deux façons de vieillir, selon que l’on aborde l’âge mûr avec un esprit combatif ou avec un sentiment de résignation douloureuse. Ce choix est d’autant plus indispensable en ce qui concerne la vie sexuelle que le déclin des capacités réflexes, notamment chez l’homme, va se manifester dès la quarantaine. Durant les vingt années qui courent de 40 à 60 ans, le bonheur d’aimer ne peut être sauvegardé que si l’on sait s’adapter à de nouvelles règles de vie pour être heureux, et à accepter à rompre le silence, à se confier, à s’informer, parfois même à consulter.

Le pourcentage de consultations en sexologie de sujets de plus de 40 ans est en plein essor, aussi bien chez les femmes que chez les hommes après la cinquantaine. Mais l’opinion est encore partagée. L’évolution des mentalités rend aujourd’hui tout à fait légitime la quête du plaisir qui s’apparente de plus en plus à une revendication vitale. Mais cette "modernité" des valeurs égoïstes n’a pas écarté les tabous - serait-ce bénéfique du reste d’effacer en quelques décennies les fondations d’une société ? - et vieillir en est un, particulièrement redouté parce que l’âge s’accompagne de signes extérieurs que renient la mode et les modèles impudiques de l’idéal féminin et masculin.
 
Ce n’est pas parce que nous sommes encore dans une quasi-ignorance de ce qui se passe lorsque l’on vieillit qu’il faut penser qu’il ne se passe rien. Les corps font de la résistance, et les sentiments aussi, il faut être vigilant, c’est tout. Chez l’homme, les motivations sexuelles peuvent persister jusqu’à un âge très avancé : tous les témoignages concordent en effet pour affirmer qu’après la soixantaine le désir ne subit aucune détérioration "physique". Ce sont les facteurs d’environnement et les aléas de la vie quotidienne - et notamment l’isolement, le stress, les soucis financiers… - qui sont, avec les problèmes de santé, les responsables des échecs qui me sont rapportés. L’érection peut être moins automatique, l’éjaculation moins rapide mais aussi moins émouvante. Cette instabilité inquiète beaucoup la plupart des hommes qui y voient une menace d’impuissance. C’est en réalité un défaut réparable pour peu que l’excitation érotique partagée soit vraiment motivante. Il ne fait pas de doute que la routine, ou l’indifférence, usent le désir et constituent un facteur de risque considérable. Tout se passe en effet comme si, en vieillissant, les organes sexuels subissaient une force d’inertie de plus en plus grande, de plus en plus difficile à vaincre, pour maintenir leur fonctionnement naturel. Il faut signaler les choses comme elles sont : une trop longue période d’abstinence ou la compagnie d’une partenaire paresseuse, maladroite ou carrément hostile, peuvent gravement abîmer la chaîne réflexe et faire croire à tort à une maladie.

Chez la femme, la quarantaine marque l’entrée dans une phase de son existence radicalement différente de la période qui vient de s’écouler et qui était vouée à l’entrée dans la conjugalité, l’insertion socioprofessionnelle, et surtout la maternité. Qu’on ait ou non réussi à combler ses attentes et fait les bons choix, une page se tourne, inéluctable. Finis les vanités de l’adolescence, les romans impossibles, les désirs d’enfants parfaits… la réalité rattrape les illusions, et il va falloir vivre avec ses doutes et ses regrets. Les échéances du vieillissement hormonal commencent à s’installer, même si les signes physiques de cette période de turbulences sont très variables d’une femme à l’autre. Le corps des femmes va changer. C’est l’anatomie des organes génitaux qui est la plus exposée, surtout si les accouchements y ont laissé des empreintes visibles. À la ménopause, les choses se précisent, comme chacun sait, les muqueuses sont plus fragiles, moins humectées de lubrification naturelle, mais toujours aussi sensibles, ce qui explique que le renoncement à la poursuite d’une activité sexuelle peut avoir d’autres motifs que gynécologiques… En effet, les apprentissages, qui aboutissaient à l’orgasme dans le passé, ne sont pas perdus. Le clitoris, notamment, maintient son pouvoir érogène d’un bout à l’autre de l’existence des femmes qui ont eu la chance de le découvrir. L’inconfort plus ou moins pénible que déclenche le coït relève donc toujours chez la femme en bonne santé d’un contentieux avec elle-même ou avec son partenaire, autrement dit, de la plus grande vulnérabilité du désir. Les besoins d’aujourd’hui vont dépendre du niveau de ceux d’hier. Le calcul est simple : si l’on admet que le stress, la fatigue, les soucis, l’irritabilité et la plus grande tendance à la "déprime" diminuent de moitié la disponibilité d’une femme à s’intéresser à la sexualité, on comprend que ce risque de démission soit aggravé chez celles que la chose n’a jamais bouleversées auparavant, et pour lesquelles la ménopause est une planche de salut : être enfin médicalement autorisées à dire non !