Mais comment diable veulent-elles vraiment être aimées aujourd’hui ? Pourquoi tant de disputes et de déceptions au bout du compte ? Quel “chaînon manquant” prive les hommes du minimum de compréhension de la psychologie féminine pour que l’entreprise amoureuse ne soit pas aussi fragile qu’une récréation éphémère ? Car en effet, ce n’est pas la fin des aventures, les obstacles relationnels évoqués tout à l’heure ne sont pas infranchissables, et il est facile d’observer que les espaces de loisirs sont de plus en plus diversifiés, la mixité des lieux de travail et le temps libre favorisant aussi les rencontres. Non, le couple n’est pas mort. Il est souffrant. La pulsion sentimentale n’est pas éteinte, le coup de foudre est toujours une menace délicieuse à espérer, on a encore autour de soi des exemples à tout âge de passions apparemment invincibles, mais ce qui vient de changer la donne depuis une cinquantaine d’années, c’est la durée des contrats. L’amour est désormais en CDI. La “vitesse de rotation” des couples est proportionnelle au dévergondage sexuel ambiant. Le fait de savoir si cet affranchissement des traditions est une émancipation ou une oppression ouvre un débat que je ne vais pas aborder ici, d’autant que tout en restant fixé sur la seule question de l’attente des femmes en matière sexuelle, il y a déjà matière à réflexion. En effet, la fréquentation des couples en difficulté n’offre pas seulement au sexologue des exemples vécus de nature à observer les effets pervers du laxisme moral actuel, ces inventaires douloureux de frustrations et de dégoût témoignent aussi d’une profonde incompréhension entre les hommes et les femmes à propos du plaisir. Sauf exception, je l’ai dit plus haut, les garçons idéalisent le pouvoir enjôleur de l’érection et de la gymnastique qui l’anime. Si ces gesticulations n’aboutissent pas à satisfaire la partenaire, leur amour propre est souvent blessé, comme si l’essentiel de la rencontre n’était destiné qu’à liquider des tensions purement physiques. D’une manière générale, il faut bien reconnaître que les femmes ne sont pas rassasiées par un régime aussi restrictif en tendresse. C’est là le point d’achoppement de la plupart des mésententes : la caresse est pour elles non seulement au début de leur consentement à faire l’amour, mais elle demeure de bout en bout d’une relation la ligne mélodique indispensable pour que les sensations s’inscrivent vraiment en profondeur dans les émotions. À la limite, nombre de femmes confient leur moindre intérêt pour l’orgasme, pourvu que soit atteint un certain niveau de bien-être sensoriel, tactile surtout bien sûr, mais concernant aussi les odeurs, le regard et les bruits des respirations… Le baiser est ainsi l’emblème des femmes comblées ; trop peu d’hommes si adonnent avec délicatesse et minutie. L’excitation des zones génitales est indispensable, certes, mais comment sous-estimer la fonction érogène des 2 m2 de peau restant en friche ? Au fond, malgré les apparences et les incitations à la débauche prônées par les médias, “l’éternel féminin” demeure intact. Mis à mal aux siècles précédents par une discipline misogyne, il n’est pas mieux loti aujourd’hui avec pour principe une absence de repères sécurisants et une apparente “démission masculine”, mais cependant, les choses n’ont vraiment évolué qu’en surface : reconnaissons que ce qui demeure au fond l’espérance la plus attachante, la plus secrète, des femmes sensibles, c’est le romantisme. Tout un programme.