Entretien avec le Pr Bruno BLAIVE, professeur de pneumologie à l'unité du sommeil de l'hôpital Pasteur, à Nice. Est-il important de faire une sieste ? La sieste devrait être faite tous les jours, car c’est une activité physiologique. Il y a des lieux où elle est nécessaire, dans le midi ou le sud notamment, à cause de la canicule à son apogée dans l’après-midi. Pourtant l’idéal serait qu’elle soit pratiquée par tout le monde sur son lieu de travail. Quelles sont les vertus d'une bonne sieste ? La sieste apporte un repos consécutif à une activité matinale et soutenue. Elle est pratiquée souvent à la fin du déjeuner, car la digestion qui commence est consommatrice d’oxygène ce qui provoque un assoupissement. Biologiquement, il y a une petite chute de tension qui se produit à ce moment là. Ce besoin physiologique de la sieste se retrouve lors d’explorations fonctionnelles du sommeil, avec des activités cérébrales qui témoignent d’un état de perte de vigilance entre 14 et 16h. La sieste doit durer quinze à vingt minutes maximum. Au delà (1 à 2 h), elle devient néfaste car ce temps de sommeil en plus obligera à avoir un endormissement plus tardif dont il modifiera le cycle, entraînant des décalages. Il faut savoir que le sommeil est, en temps normal, excessivement réglé, comme toutes nos grandes fonctions biologiques. Quels sont les inconvénients d'un décalage de l’endormissement ? Un grand problème, particulièrement chez les jeunes, est qu’ils oublient que les grands moments de la vie sont tous fixés sur une horloge biologique. Un mauvais sommeil donnera chez les jeunes des problèmes d'instabilité et de dépression. Sans parler des accidents de voitures, dont près de la moitié sont liés à des problèmes d’endormissement. Certaines professions intègrent donc l’obligation de repos compensateurs, comme par exemple les pilotes d'avion. Le temps de libre ne devrait jamais se prendre sur les période de repas ou de sommeil, sinon ce temps de libre se payera très cher. Pourquoi l’enfant a-t-il particulièrement besoin d’une sieste ? Il en a besoin pour réparer sa matinée à l’école, c’est le seul moyen pour qu’il ne soit pas nerveux et fébrile dans l’après-midi. L’enfant a la possibilité de bénéficier de cette récupération. Si l’adulte n’en profite plus, c’est parce que la société ne lui a pas laissé le choix. Les méridionaux, peut-être plus proches de la nature, intègrent la sieste dans leurs journées tout naturellement, tandis que les sociétés plus proches du rendement l’ont gommée pour des raisons purement économiques. Que se passe-t-il pendant le sommeil ? Le sommeil est un moment complexe qui “nettoie notre disque dur” pour trier et fixer les informations que nous avons intégrées dans la journée. Chez l’enfant, tout est découverte. Alors tout ce qui a été vu, senti et fait d’agréable est rangé, fixé et mémorisé dans son esprit. D’où l’idée de masquer les propriétés physiologiques du sommeil parce que le monde autour de nous nous oblige à être actif, performant et à consommer des stimulants du système nerveux central : caféine, nicotine, théine… On traversera ainsi le moment de la sieste sans être gêné. La sieste est-elle encore plus bénéfique pendant les vacances ? La plupart des catastrophes récentes ont pour origine une faute due à la somnolence : l’échouage de l’Exxon Valdez, les accidents de la navette spatiale Challenger à Cap Canaveral ou de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl sont des exemples flagrants d’erreurs imputables à un assoupissement. Quand viennent les grandes migrations de vacanciers, il y a beaucoup d’accidents liés à ces trafics : il suffit d’une fraction de seconde d’inattention pour provoquer une catastrophe. Dans les vacances à tout prix il y a un minimum de règles à respecter, comme par exemple un repos toutes les deux heures lorsqu’on fait beaucoup de route en voiture. Au début de la vie : La sieste est une activité nécessaire et réparatrice. Elle est indispensable aux très jeunes enfants, dont la construction cérébrale se fait essentiellement pendant le sommeil. Les tout petits dorment de nombreuses fois par journées complètes. Avant 4 mois, la différence entre le jour et la nuit n’est pas encore installée, mais à 6 mois le bébé fera trois siestes environ dans la journée, puis une seule sieste à 18 mois et ce jusqu’à 3 ou 4 ans. La sieste est également indispensable aux jeunes mamans, privées de nuits de sommeil complètes à l’arrivée de leur bébé. Ces mamans, débordées par les cris de leur nouveau-né et une fatigue grandissante, peuvent rapidement aggraver un début de dépression si elles ne parviennent pas à se ménager quelques plages de repos dans la journée. Chez les personnes âgées : La sieste est relativement fréquente chez les personnes âgées. A partir de 60 ans, elle leur permet de récupérer de leurs réveils nocturnes, parfois fréquents, dus à des altérations de la régulation de leurs fonctions physiologiques.