En janvier dernier, Champix, le dernier traitement pour arrêter de fumer, a vu le jour. Est-ce un nouvel espoir pour les fumeurs qui ont tant de mal à décrocher ? Entretien avec le Pr Gilbert Lagrue, responsable du Centre de tabacologie de l’hôpital Chenevier (Créteil) et auteur de « Arrêter de fumer » (Odile Jacob).
Savoir Maigrir : Qu’est-ce exactement que la varénicline, ce composant de Champix ?
Pr Gilbert Lagrue : Tout d’abord, il faut savoir que la nicotine est la principale substance responsable de la dépendance au tabac. En se fixant dans le cerveau sur des récepteurs nicotiniques, elle prend la place d’une substance naturelle, l’asétilcoline, perturbe tout le fonctionnement du cerveau et agit sur le système de plaisir et de récompense, en stimulant la dopamine. Voilà pourquoi le fumeur éprouve une sensation de plaisir. Ensuite, la nicotine est une molécule d’éveil. Elle stimule l’attention, la mémoire, la vigilance. Elle fait aussi plaisir et est un coupe-faim. Malgré ses dangers, elle a beaucoup d’avantages. La varénicline est donc intéressante dans le sens où il s’agit d’un produit chimique de synthèse qui ne contient pas de nicotine. Elle va se placer sur les récepteurs nicotiniques et supprimer en partie le manque de la nicotine, le plaisir et la stimulation qu’entraîne en temps normal cette dernière.
S.M. : Quel est l’avantage principal de ce traitement ?
Pr G.L. : L’intérêt de ce traitement est qu’il supprime les troubles liés à l’arrêt du tabac, c’est-à-dire le manque et les bienfaits que le fumeur éprouve en absorbant la nicotine. Il rend également le sevrage plus confortable pour éviter de perdre sa motivation.
S.M. : Comment ce nouveau traitement est-il prescrit ?
Pr G.L : La varénicline est prescrite environ une semaine avant que la personne arrête de fumer afin que ses effets aient le temps de se mettre en place. Le traitement, prescrit sur ordonnance, consiste à prendre deux comprimés d’un milligramme par jour, un le matin et un autre le soir. Pour une durée de six mois à un an en moyenne.
S.M. : Entraîne-t-il des effets secondaires ?
Pr G.L. : Selon les études qui ont été menées, ce traitement est bien toléré, même s’il peu toujours y avoir des effets secondaires rares, tels que des maux de tête ou des nausées par exemple. Et il ne semble pas qu’il agisse sur le poids.
S.M. : Ce traitement permet-il d’arrêter de fumer définitivement et de ne pas rechuter ?
Pr G.L. : Il ne permet pas d’arrêter de fumer définitivement et n’empêche pas les rechutes. Précisons qu’il existe des contextes psychologiques multiples qui vont entraîner la rechute, et ce quel que soit le traitement choisi pour arrêter de fumer. Par exemple, le stress, la prise de poids, la dépression… sont des facteurs favorables à la rechute. Rappelons aussi que dans 15 % des cas, la prise de poids est le motif de la rechute. A l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement capable de prévenir les rechutes. Seule la motivation a toute son importance. Ce nouveau traitement, ni aucun autre d’ailleurs, ne changera rien et échouera si la personne n’a pas de motivation personnelle pour arrêter de fumer.
S.M. : La varénicline est commercialisée aux Etats-Unis depuis Août 2006. Avez-vous eu écho des premiers résultats ?
Pr G.L. : Il est difficile de mettre en avant les premiers résultats. En effet, lorsqu’un traitement voit le jour, il faut souvent attendre quelques mois avant de pouvoir se prononcer sur ses effets. Avec le patch, nous pouvons nous prononcer sur ses effets car nous avons 15 ans de recul, ce qui n’est pas le cas avec la varénicline.
S.M. : Peut-on dire qu’il s’agit d’un réel tournant dans l’aide au sevrage tabagique ?
Pr. G.L. : Il est certain que ce traitement constitue un progrès thérapeutique puisqu’il prend la place de la nicotine sur les récepteurs nicotiniques. Mais ce n’est pas le seul traitement existant.
S.M. : Justement, comment évaluer ce traitement par rapport aux patchs et au Ziban ?
Pr G.L. : Avec les patchs, il faut toujours adapter les doses de nicotine en fonction des besoins du fumeur, alors qu’avec la varénicline, les doses sont fixes. Il faut placer la varénicline, le patch et le ziban à des niveaux différents. La varénicline est plus efficace que le Ziban et le patch si les doses de ces derniers sont mal adaptées. Mais si le patch est bien utilisé et bien dosé, il est plus efficace que la varénicline, offrant 80 % de résultat positif à trois mois.
S.M. : Vous évoquez les thérapies comportementales cognitives comme très utiles dans le sevrage tabagique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pr G.L. : Même si elles sont encore peu utilisées dans notre pays, les thérapies comportementales sont importantes dans la prévention des rechutes. Elles permettent d’apprendre à gérer son stress autrement qu’en prenant une cigarette. Dans les années à venir, il y aura des avancées dans ce domaine, mais aussi dans la façon d’utiliser au mieux les substituts nicotiniques.