Mais si l’orthorexique vise le qualitatif, n’accorde-t-il alors aucune importance à la quantité d’aliments ingérés ? Malheureusement, dans une phase orthorexique, le sujet ne mange pas beaucoup. « L’obsession de grossir fait partie de cet état ». Et les orthorexiques ont une très mauvaise image d’eux-mêmes.
Il n’existe pas précisément une liste d’aliments prohibés. Mais d’une manière générale, l’orthorexie rejoint un peu le courant végétarisme anti-viande rouge. Les viandes sont donc exclues et les graisses peuvent être stigmatisées. « Les personnes visées ont cette peur de grossir et d’être malades. Derrière l’orthorexie existe toujours cette idée de se maintenir en bonne santé et de ne pas offenser son corps », rajoute notre spécialiste.
Très cadré, l’orthorexique mange à heures fixes. Ses repas sont toujours structurés de la même façon. Mais s’installent très vite beaucoup de monotonie et de rituels. Ainsi, l’orthorexique se coupe du monde extérieur. Sa vie sociale et affective s’en trouve réduite. Il lui est alors très difficile d’accepter les repas à l’extérieur, en famille ou chez des amis. Tout son quotidien est axé sur la nourriture, le choix des aliments et l’organisation de ses repas. Il lui est aussi insoutenable de ne pas respecter les règles qu’il s’est fixées. « Les rituels ont toujours une fonction conjuratoire évidente, précise Bernard Waysfeld. Ils sont une façon de conjurer les angoisses, les dangers, les effets négatifs sur la santé ».
L’orthorexie gagne du terrain
Même si ce terme et cet état restent peu connus, il est certain que l’orthorexie prend de l’ampleur en France. Il n’y a pas d’étude permettant de donner un pourcentage du nombre de personnes touchées par l’orthorexie. « Mais si l’on prend une définition très large de l’orthorexie, c’est-à-dire si l’on considère les gens qui sont très attentifs à leur alimentation parce qu’ils ont ce souci de qualité et de respect de leur corps, on pourrait dire qu’il y en a un grand nombre. En France, il existe peu de cas de personnes qui vont refuser, par exemple, d’aller dîner chez des amis s’ils ne connaissent pas le menu. Mais il est certain que parmi les personnes qui souffrent de troubles du comportement alimentaire, il existe bien 5 % de femmes orthorexiques.
Pour recadrer le problème, il est possible de consulter un diététicien mais aussi un psychologue quant au fond compulsionnel et obsessionnel.La façon dont ce problème va être résolu dépend de chaque cas mais aussi de la méthode utilisée. Lors d’une séance, le spécialiste peut poser des questions à la personne concernée, lui demander par exemple de tenir un carnet de bord, ce qu’elle ressent, établir ce que les cognitivistes appellent une analyse fonctionnelle et essayer de la désensibiliser par rapport au problème. « Il est aussi possible de laisser venir et de voir quelles sont les zones de fragilité qui s’articulent, précise Bernard Waysfeld. Si la personne veut axer la discussion uniquement sur la nourriture, nous allons rester dans ce dialogue mais il y aura toujours un temps où l’on ne pourra pas rester au stade du symptôme. Il faudra aller en profondeur pour découvrir le fond du problème ».
Certaines personnes ne changent pas, mais il est possible de leur apporter une certaine souplesse de fonctionnement. Il est important de faire un bilan en terme d’apports de nutriments et de micro-nutriments. Le but n’est pas de faire rentrer l’orthorexique dans une norme alimentaire mais de faire en sorte que la personne ne soit pas rigide avec elle-même, qu’elle puisse à nouveau se socialiser. Car l’orthorexie est un mal profond qui isole, dévalorise et rend profondément malheureux.