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Natacha Amal : « Je suis admirative des gens qui se modèrent et équilibrent tout de façon définitive »

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Comédienne dans la vie, notamment dans le téléfilm Femmes de loi sur TF1, Natacha Amal est aussi une femme de cœur. Rescapée du tsunami survenu en décembre dernier en Asie du Sud-Est, elle a écrit avec son mari un livre dont l’intégralité des droits est versé aux « Pêcheurs de Thaïlande ». Témoignage de celle qui veut faire renaître l’espoir à travers la solidarité.

Savoir Maigrir : Pouvez-vous nous décrire votre expérience personnelle avec votre mari en tant que victimes rescapées du tsunami, avec toutes les sensations et émotions que vous avez pu éprouver lors de ce drame ?
Natacha Amal : Nous n’avions jamais vécu une telle expérience. Et nous aurions aimé ne pas en faire partie. Jusque là, nous avions vaguement pensé à tout plaquer, un jour, pour faire de l’humanitaire. Cela s’avère donc être la première occasion concrète pour mon mari et moi. Cette mission était vraiment faite pour nous. Quand on vous redonne une deuxième fois la chance d’être en vie, vous avez d’un coup d’un seul toutes vos certitudes qui volent en éclat, pas seulement à la lueur d’une expérience personnelle mais aussi au spectacle d’un cataclysme tel que celui-là. Nous n’avons pas seulement été rescapés miraculés de ce drame. Nous en avons été aussi témoins. Nous avons vu des choses, rencontré et entendu des gens. Nous avons refusé d’être les petits privilégiés qui s’enfuyaient le nez dans leurs bagages pour ne pas regarder autour d’eux, de passer devant tous les gens qui étaient réellement dans l’urgence, qui n’avaient plus que leur bikini sur eux et qui avaient encore plus besoin d’être secourus.

S.M. : Le ton de votre livre dédié aux pêcheurs victimes du tsunami laisse place à beaucoup de pudeur, de réserve, de simplicité, d’humilité et d’humanité et nous transporte bien au-delà de ce drame. Pourquoi avoir fait un tel choix d’humanité ?
N.A. : Parce que je ne suis pas journaliste. Je n’avais pas du tout envie d’épouser ce biais là pour faire un récit journalistique. Pour ma part, c’était quelque chose qui me faisait horreur et que je ne pouvais pas assumer. Vivre ce cataclysme et en être témoin étaient déjà énormes pour moi. Je n’en suis pas encore complètement sortie. Je suis dans un état de fragilité au quotidien qui n’est pas très agréable à vivre. J’ai des moments de grosse dépression. Je suis en fait très ébranlée. Je ne maîtrise pas ce bouleversement et cet état émotif dans lequel je suis. En ce moment, mon mari me dit qu’il a des hauts et des bas. Mais chez lui, tout se passe surtout au niveau du sommeil. Il n’arrive plus à dormir et prend des somnifères… Maintenant, nous relativisons énormément. Parce que nous avons une chance incroyable. Et pour nous, ce bouquin était l’unique façon, voire l’ultime moyen, le plus rapide et efficace, d’aider concrètement avec de l’argent. Il s’agissait de soutenir les gens qui étaient dans le besoin mais surtout de leur redonner un peu de cette chance que nous avons reçue. C’était la moindre des choses.

S.M. : Projets, bouddhas, chiens et chats, crucifixion, sexe, Bangkok… Vous fonctionnez avec plusieurs thèmes. « Je profite de la vie et je prends les choses comme elles viennent »En quoi ce découpage de votre livre vous a-t-il convaincu ?
N.A. : Ce n’était pas voulu, ni choisi. C’est vraiment venu comme ça. C’est un petit peu comme ce film de Claude Sautet intitulé Les choses de la vie avec Michel Piccoli et Romy Schneider. C’est l’histoire des dernières secondes de la vie d’un homme. Il est en train d’avoir un accident de voiture. Il fait des tonneaux. Et pendant ce temps, il repasse toute sa vie dans sa tête. Notamment ce qu’il a ressenti non seulement par rapport aux choses essentielles de son existence mais aussi par rapport à des détails précis et même des bêtises. Il revient également sur des moments comprenant notamment ce qu’il aurait du dire à ceux qu’il aimait. Pour en revenir à notre expérience, le fait d’avoir échappé au tsunami nous a fait ressentir un flot de sensations et d’émotions. Il y a d’abord eu des images, des souvenirs et des pensées, puis une réflexion sur ces évènements vécus récemment avec légèreté et qui, tout d’un coup, prennent quasiment un sens différent, quasi philosophique. Parce que nous étions là, en vie, alors que nous aurions pu être morts. La seule chose qui nous motive vraiment c’est que nous avons déjà réuni l’équivalent d’une trentaine de petits bateaux de pêcheurs de 10 à 12 m grâce aux livres que nous avons vendus. Mais les bateaux de grosse taille, notamment les chalutiers, qui coûtent très chers, nous manquent. Il faut vendre encore quelques livres avant de pouvoir en acheter deux ou trois de cette taille. Sur place, chaque petit bateau nourrit une famille et il faut compter un pêcheur par famille. Les enfants et une femme dépendent complètement de cette activité. De plus, il faut savoir que les villages de certains sont complètement détruits. L’ensemble des maisons en bois et en tôle ondulée sur pilotis en bord de mer a été complètement réduit en boîte d’allumettes. Sans parler des bateaux. De notre côté, nous avons réfléchi. Nous nous sommes dits que le bateau était le premier moyen, et le seul, que nous puissions trouver pour leur rendre leur liberté et leur autonomie. Il est vraiment vital de les aider. Parce que même les bateaux qui ne sont pas détruits doivent être réparés. Ce qui représente beaucoup d’argent pour ces pêcheurs. Il y a encore de quoi faire. Et nous ne sommes pas les seuls à nous pencher sur le problème. Maintenant, il y a d’autres Organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent. Cette démarche est de longue haleine. De notre côté, l’argent que nous avons rassemblé ne sortira pas avant la rentrée de septembre. Et c’est seulement à partir de cet automne que nous allons pouvoir monter un chantier à Pukhet.